À situation extraordinaire réponses extraordinaires
La planète à l’épreuve des solidarités
La pandémie virale qui, en l’espace de quelques mois, s’est propagée à l’ensemble de la planète a provoqué une crise sans précédent par sa nature et son ampleur. L’épreuve que nous avons traversée a révélé la formidable capacité d’adaptation de nos concitoyens à ce contexte exceptionnel. À côté des actes concrets de solidarité et d’entraide au quotidien, sont apparues des réponses innovantes en matière de travail, de communication ou d’enseignement à distance, et des formes inédites de coopération pour le portage des repas à domicile ou la distribution des denrées alimentaires par exemple.
La mobilisation pour lutter contre la propagation du virus, protéger les plus vulnérables et assurer les services de base à la population a dessiné la carte des professions, des métiers et des services essentiels en période de confinement, soulignant l’engagement de celles et ceux qui se sont retrouvés en première ligne dans ce combat : personnels soignants, agents des services publics des secteurs des transports, de l’énergie, du ramassage des ordures ménagères, de la santé et de la sécurité publique, commerçants au détail et salariés de la grande distribution, livreurs, conducteurs routiers, salariés de la logistique, etc.
Mais cette crise a également mis en évidence la fragilité de notre modèle social et la vulnérabilité de notre modèle économique face au risque sanitaire comme au risque climatique. On peut se féliciter à juste titre de la mobilisation civique et des élans de générosité auxquels nous avons assisté, à la condition qu’ils ne soient pas demain le prétexte à de nouveaux reculs sur le front de la solidarité nationale, l’État s’en remettant au bon cœur des citoyens ou au bon vouloir d’élus sans moyens suffisants. Quant à notre modèle économique, la crise sanitaire nous invite non à changer de direction mais à accélérer les transformations que nous avons engagées. Le nécessaire soutien à la reconstruction devra être mis au service de la transition écologique dans les territoires. Cependant, nous ne parviendrons pas à changer de modèle si nous ne parvenons pas à le repenser et nous ne parviendrons pas à le repenser si nous n’inscrivons pas cette réflexion dans un cadre plus vaste, englobant la question du devenir du capitalisme et celle d’une démocratie profondément rénovée, au plan national comme au plan local.
Préparer le monde d’après
Quand le local s’invente et se réinvente : rénover la démocratie locale
À Viv’Albi ! nous avions, dans le cadre de notre plateforme politique élaborée en vue des élections municipales, plaidé pour une démocratie locale rénovée. Nous avions milité pour une démocratie municipale fondée sur la participation continue des citoyens aux décisions, pour que ces décisions soient plus équitables et plus justes, donc plus légitimes et mieux acceptées. La réalité de la démocratie communale ne peut plus se réduire à un conseil municipal « chargé de gérer, par ses délibérations, les affaires de la commune » comme l’énonce le code général des collectivités territoriales. Elle doit faire exister, à côté du vote et de la délégation par l’élection, des procédures de participation directe, active, effective. La crise du Covid 19 n’a fait que renforcer l’urgence d’une profonde rénovation démocratique et la nécessité d’éclairer nos concitoyens, y compris et d’abord sur le plan local, s’agissant de décisions qui les intéressent très directement.
Rétablir au plus vite le fonctionnement normal de la vie démocratique locale
Alors que le Gouvernement a annoncé le report des élections municipales, il appartient à la majorité en place d’informer les citoyens et leurs représentants des décisions qui ont été prises durant le confinement et des conséquences de ces décisions sur les budgets locaux. Si l’ordonnance du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19 a conféré aux maires et aux présidents d’EPCI une délégation pour exercer les attributions de l’organe délibérant de la commune ou de la communauté d’agglomération, elle assortit cette délégation de l’obligation d’informer « sans délai et par tout moyen » les conseillers municipaux et les conseilles communautaires des décisions prises sur le fondement de cette délégation. Le moins que l’on puisse dire est que cette information est apparue à Albi comme parcellaire. On peut regretter, à cet égard, que n’ait pas été utilisée la possibilité ouverte par l’ordonnance au maire et au président de l’agglomération de réunir l’organe délibérant par visioconférence ou à défaut audioconférence.
Il est d’autant plus urgent de rétablir le fonctionnement normal de la vie démocratique locale que la crise va engendrer des conséquences majeures pour les budgets publics et qu’il importe d’associer les représentants des citoyens à l’évaluation de ces conséquences et aux décisions qui en découleront. Une partie de cette évaluation dépendra, bien entendu, de l’évolution des concours de l’Etat, en particulier la dotation globale de fonctionnement qui compte pour près de 15% des recettes réelles de fonctionnement de la Ville d’Albi. Mais les incertitudes sur tel ou tel poste ne doivent pas – au contraire ! – empêcher de faire des prévisions. Car même en tablant sur la stabilisation des dotations de l’Etat, la crise va dégrader les comptes municipaux et communautaires aussi bien du côté des dépenses que du côté des recettes.
La crise va affecter fortement les finances de la Ville et de l’Agglomération
Les impacts budgétaires des décisions prises
Du côté dépenses, le fonctionnement des services publics dans des conditions exceptionnelles, (accueil des enfants des personnels soignants assuré à la crèche Adèle et à l’école de la Curveillère, permanence téléphonique assurée dans le cadre du plan d’écoute « Covid 19 », intensification du portage des repas à domicile pour les aînés), mais aussi la distribution de plusieurs milliers de masques en sortie de confinement. Mais c’est surtout du côté des recettes que l’impact devrait se faire sentir. La Ville a décidé d’interrompre la facturation des services scolaires et périscolaires depuis le 1er mars et l’absence quasi-totale de circulation automobile engendrera un manque à gagner important sur les recettes du stationnement sur la voirie de surface que la mairie a décidé de rendre gratuit. Autre décision à portée économique : l’interruption, jusqu’à nouvel ordre, des prélèvements de loyers perçus par la Ville sur les commerçants, artisans et entreprises ainsi que les droits d’occupation du domaine public.
Soyons clairs : il n’est pas question ici de discuter de la pertinence de ces mesures. Gageons que l’équipe en place a fait ce qu’elle croyait nécessaire pour circonscrire les effets de la crise en particulier sur les personnes les plus exposées en raison de leur situation personnelle ou professionnelle. Mais la confiance n’excluant pas le contrôle, les assemblées délibérantes devront, conformément à l’ordonnance du 1er avril 2020 déjà citée, pouvoir apprécier les initiatives prises par le chef de l’exécutif – maire d’Albi et président de la C2A – dans le cadre de sa délégation, sans s’interdire de mettre un terme ou de modifier cette délégation et de réformer, le cas échéant, les décisions prises sur son fondement.
Les effets mécaniques de la crise sur les plans économique et fiscal
Le budget de la commune d’Albi et celui du Grand Albigeois vont également se trouver impactés par les effets économiques mécaniques de la crise. Nous avons déjà cité le manque à gagner sur les recettes du stationnement public. Nous pouvons y ajouter les transports collectifs et, de manière générale, tous les services publics du quotidien interrompus ou qui ont fonctionné au ralenti, qu’ils soient exploités en régie ou en gestion déléguée comme certains parkings souterrains à Albi. Par ailleurs, plusieurs recettes fiscales des collectivités dépendent de la conjoncture économique locale. C’est le cas, notamment, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont les montants collectés cette année devraient sensiblement baisser, l’impact se faisant sentir sur les reversements effectués en 2021 et 2022. Autre recette amputée : le « versement mobilité » – qui rapporte chaque année plus de 4 M€ à la C2A et qui finance la part la plus importante des transports collectifs – est assis sur la masse salariale des entreprises du territoire de l’agglomération, laquelle va subir les effets de la crise. De même, la saison touristique 2020 n’aura rien à voir avec les précédentes : quelle sera l’ampleur de la baisse de fréquentation des commerces et des musées avec quel impact sur la taxe de séjour ?
Nous parlons là de la partie fonctionnement du budget, mais qu’en est-il de la partie investissement et de l’endettement ? Comment imaginer que le calendrier des investissements ne va pas se trouver bouleversé par la pandémie ? Là encore, des réaménagements techniques et budgétaires seront nécessaires, par exemple pour ce qui concerne la passerelle ou la cuisine centrale. Les travaux de la première seront-ils terminés avant la saison d’été ? Ceux de la seconde avant la rentrée de septembre ? Qu’en sera-t-il sur le plan culturel avec l’annulation de Pause Guitare et, sur le plan sportif, des nombreuses associations concernées ? Enfin, nous avions déjà souligné que la dette totale d’Albi pourrait dépasser les 63 millions d’euros fin 2019. Mais c’était avant la crise. Quelle sera la nouvelle trajectoire ? À n’en pas douter, l’évolution de la dette sera à surveiller de près au cours des années à venir.
Éclairer les impacts budgétaires et économiques de la crise
Soumettre au vote des assemblées délibérantes un budget modificatif
Cette situation extraordinaire appelle des décisions à la hauteur. Alors que l’Etat a déjà adopté deux lois de finances rectificatives en 2020, nous préconisons qu’un premier projet de budget supplémentaire soit présenté au conseil municipal avant fin juillet 2020 pour donner le meilleur éclairage possible sur les conséquences économiques et budgétaires des événements qui ont eu lieu depuis la présentation et le vote du budget primitif en décembre dernier. La Ville devrait présenter ensuite, à l’automne, un second projet de budget modificatif qui serait l’occasion de préciser les dépenses supplémentaires résultant de la gestion de la crise et d’anticiper le niveau prévisible du solde de fonctionnement et de la dette à fin 2020 afin de préparer au mieux le budget 2021.
Maintenir les aides à vocation sociale et éducative et accompagner les acteurs économiques
La présentation du second budget modificatif devrait être l’occasion pour la majorité municipale de donner des garanties sur le maintien des aides à vocation sociale et éducative, y compris les concours financiers aux organismes publics et aux associations intervenant auprès des publics les plus fragiles. Elle devrait également permettre de présenter au conseil municipal un nouveau calendrier des principaux investissements en cours.
Enfin, sur la base du diagnostic économique territorial engagé avec la chambre de commerce et d’industrie, la chambre des métiers et de l’artisanat et la préfecture du Tarn, la C2A devrait pouvoir évaluer l’impact prévisible, à court et moyen termes, de la crise sur les entreprises albigeoises afin d’élaborer sur cette base un plan d’accompagnement des entreprises locales, venant en complément des mesures déjà prises par l’Etat et la Région.
Patrick VIEU
Président de Viv’Albi !