A cause de la crise du covid19, l’économie française connaît un trou d’air important. Assez inédit même. Les chiffres de l’Insee indiquent une chute importante à la fois de l’offre (production) et de la demande (consommation et investissement) pour le premier trimestre 2020. On peut retenir les indicateurs suivants :
– Trimestre 1 2020 : – 5,8 % du PIB. C’est la plus forte baisse depuis 1949. On avait eu –1,6 % en 2009 et -5,3 % en 1968.
Le choc de la crise se traduit par 120 milliards d’euros perte de création de richesse pour la France. Si on décompose, cela a généré :
– 55 milliards d’euros d’ « épargne forcée » (les Français étant conduits à moins dépenser en raison du confinement, à la fois par nécessité (baisse de revenus avec mise en chômage partiel de 13 millions de salariés début mai, déplacements retreints, beaucoup de produits ou services devenus provisoirement inaccessibles) et par précaution (incertitudes sur les revenus et les dépenses futurs),
-11 milliards de revenus en moins pour les ménages,
-35 milliards de perte de chiffre d’affaires pour les entreprises
65 milliards de dépenses ou de pertes de recettes fiscales et sociales pour l’Etat.
Il faut aussi avoir conscience qu’en 1968, la hausse de pouvoir d’achat avait été de 30 % en sortie de conflit avec les accords de Grenelle, notamment avec l’augmentation du SMIC, pour aider à la reprise. Aujourd’hui cela ne semble pas possible.

Nous souhaitons tous un scénario idéal de reprise qui verrait un report de consommation d’un trimestre sur l’autre dès que le déconfinement aura commencé. Dans l’idéal cela produirait le scénario suivant :

Mais dans la réalité comme en 1968 et 2008, nous observons plutôt des trajectoires comme celle qui sert d’illustration dans la diapositive suivante. Les deux années postérieures à la crise sont marquées par une faiblesse de la richesse produite qui reste en dessous du niveau d’avant crise et la partie de la production située entre la ligne bleue en pointillée et la courbe rouge est définitivement perdue.

En 1968, lorsque l’économie avait été totalement arrêtée en raison des grèves de mai et de juin, il avait fallu un an et demi à deux ans selon les secteurs pour retrouver le niveau de production initial selon les analyses d’Olivier Passet pour Xerfi. De plus, plusieurs éléments laissent entrevoir une reprise plus lente.
Les taux d’intérêts
Ils sont déjà faibles, et on ne pourra pas compter sur la baisse des taux pour relancer l’économie en favorisant l’investissement.

La dette publique
Elle est beaucoup plus élevée qu’en 2008. Il sera donc très difficile pour l’Etat de s’endetter massivement pour relancer l’activité.

La dette privée
Il y a aussi une dette privée très élevée (celle des entreprises et des ménages). En cumulant, à l’échelle du monde, les dettes publiques et les dettes privées on arrive à 250 % du PIB mondial. Il sera très difficile d’utiliser le levier de l’endettement pour relancer l’économie.

Le pétrole
Depuis 2014, les marchés du pétrole sont perturbés Le retour à l’équilibre n’a eu lieu qu’en 2016 après un accord entre la Russie et l’OPEP. A chaque fois que les marchés sont déréglés, on assiste à des dificultés dans la période suivante. Aujourd’hui, la demande est passée de 100 millions de barils/jour à 80 millions de barils jours. Les prix on chuté. Le pétrole de schiste américain est en difficulté depuis septembre 2019. Au prix actuel, il ne survivra pas. D’autant plus que l’absence d’accord entre la Russie et l’OPEP le 6 mars dernier a fortement perturbé la situation.

Pour le pétrole, les entreprises ne peuvent pas attendre des jours meilleurs en stockant le surplus de la production car les capacités de réserves sont très faibles (uniquement 4.,5 milliards de barils soit 45 jours de stock). Les producteurs ont aussi du mal a investir pour préparer l’avenir et un puit de pétrole fermé est difficile à réouvrir. On peut donc s’attendre à ce que le flux de barils / jours baisse. Comme il y a un lien très fort entre l’utilisation d’énergie et la production de richesse, on peut estimer que la reprise sera freinée.

Il pourrait même y avoir une flambée des prix du pétrole d’ici un an ou deux à cause des mécanismes particuliers de volatilité sur les marchés faiblement élastiques comme les matières premières. Un choc de demande peut provoquer une hausse soudaine des prix quand les quantités produites ne peuvent pas s’ajuster rapidement. Quand l’offre est rigide, une forte augmentation de la demande (« choc de demande ») se traduit par une flambée des prix, l’offre ne pouvant s’ajuster immédiatement pour répondre à la demande. Ces éléments plaident d’ailleurs pour une accélération des investissements dans la transition énergique. Cela peut paraître contre intuitif au moment où les prix sont bas mais raisonnable quand on déroule les mécanismes de marché dans le temps.

Tous ces éléments devraient avoir des conséquences importantes sur les finances de l’État. En effet les recettes de l’Etat dépendent beaucoup de la TVA (fortement liée à la consommation) et de la richesse produite. Si nous produisons moins de richesses, la base fiscale se réduit et nous avons moins de recettes pour financer les missions de l’Etat (missions régaliennes, protection sociale, grands services publics).

L’État sera contraint de faire des choix. Les collectivités territoriales aussi.

Cette réalité est particulièrement vraie pour la ville d’Albi.

Lorsqu’on regarde la planche réalisée à partir des données du Rapport sur les orientations budgétaires de 2020 du conseil municipal du 25 novembre 2019, on constate que les recettes évoluent peu mais que les dépenses augmentent beaucoup. Les recettes ne peuvent plus évoluer fortement. Les impôts locaux et la partie la plus importante du budget municipal.

La taxe d’habitation et les taxes foncières ont fortement augmenté. La hausse cumulée du produit fiscal strict en valeur absolue depuis 2016 est 13,4 %. On espère pour les Albigeois que cette hausse est arrivée à un palier.

Pour les autres recettes, on constate que la dotation globale de fonctionnement versée par l’Etat est stable depuis 2016.

On constate que les recettes sont totalement contrainte pour la plus grande part
Nous pensons que compte tenu du contexte particulier lié à la crise du Covid19, il serait important de faire un état des lieux précis des marges de manoeuvre dont dispose la ville et de réfléchir à des arbitrages pour que la situation reste sous contrôle. Il ne s’agit pas de préjuger des décisions à venir, mais de réfléchir collectivement et dans un esprit républicain aux grandes priorités pour notre ville et aux choix qui seront à faire dans un contexte budgétaire tendu. Cela nous semble d’autant plus important que la question se pose aussi au niveau de l’agglomération. En effet les transports en commun, les équipements collectifs comme les médiathèques ou la piscine sont à l’arrêt et le coût en termes de pertes de recette est bien plus important que pour la ville.
